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Entrepreneurs individuels : un statut unique et plus protecteur

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Ce nouveau statut s’apparente au statut de l’EIRL (Entreprise Individuelle à Responsabilité Limitée), qui disparaît avec la réforme.
Toutefois, s’il n’est plus possible depuis le 15 février 2022 de constituer une EIRL, toutes les entreprises immatriculées avant cette date continueront de fonctionner selon les règles qui leur sont applicables. Ainsi, pour les EIRL créées avant la nouvelle loi, l’affectation ou le retrait d’éléments à partir d’un patrimoine déjà constitué demeure possible.

Voici les 5 points clés à retenir de ce nouveau statut :

1.   Le patrimoine est désormais scindé en deux

L’entrepreneur individuel est, par définition, une personne physique qui exerce en son nom propre une ou plusieurs activité(s) professionnelle(s) indépendante(s) et qui possède, normalement, un seul et unique patrimoine. Or, la nouvelle loi prévoit désormais que ce patrimoine est scindé en deux :

  • d’une part, le patrimoine professionnel qui comprend les biens, droits, obligations et sûretés (garanties) dont est titulaire l’entrepreneur et qui contribuent à son ou ses activité(s) indépendante(s) ;
  • d’autre part, le patrimoine personnel qui comprend tous les éléments de son patrimoine non compris dans son patrimoine

Contrairement au précédent statut de l’EIRL, il n’est plus nécessaire à l’entrepreneur individuel d’effectuer une déclaration d’affectation ; la séparation des patrimoines est désormais de droit.

La réforme aboutit donc à la création de deux patrimoines (deux actifs et deux passifs distincts). En conséquence, le patrimoine professionnel répond des créances issues de l’activité professionnelle et le patrimoine personnel sera le gage des créanciers dont les créances ne sont pas issues de l’activité professionnelle.

2.    Principe : le patrimoine personnel reste insaisissable par les créanciers

L’insaisissabilité (interdiction de saisir) de la résidence principale, qui est de droit, ainsi que les déclarations d’insaisissabilité portant sur un autre bien foncier (bâti ou non bâti) qui ne sont pas affectés à l’activité professionnelle, restent applicables.

Ainsi, la résidence principale et les autres biens dont l’entrepreneur individuel est propriétaire et qu’il a déclaré insaisissables ne pourront pas être appréhendés par les créanciers lorsque les créances sont liées à son activité professionnelle.

Les sûretés réelles (hypothèques, nantissements…) qui ont été consenties par l’entrepreneur individuel avant le commencement de son activité professionnelle indépendante, conservent leurs effets, quelle que soit leur assiette (patrimoine personnel ou patrimoine professionnel).

Mais l’entrepreneur individuel pourra toujours :

  • renoncer à l’insaisissabilité légale ou à la déclaration d’insaisissabilité en faveur de tel ou tel créancier, sur tout ou partie de ses biens ;
  • accorder des garanties sur son patrimoine personnel à des créanciers

Exception : il est interdit à l’entrepreneur individuel de se porter caution en garantie d’une dette dont il est le débiteur principal ; toutefois cette caution pourra être consentie par un tiers ou par son conjoint.

Comme indiqué précédemment, l’entrepreneur individuel ne peut engager son patrimoine personnel lorsqu’il a contracté des dettes à l’occasion de son activité professionnelle. En revanche, si ses dettes sont d’ordre personnel et que son patrimoine personnel est insuffisant pour les honorer, les créanciers pourront exercer leur droit sur le patrimoine professionnel dans la limite du montant du bénéfice réalisé lors du dernier exercice.

3.  Exception : les dettes publiques professionnelles peuvent être étendues au patrimoine personnel

Les dettes dont l’entrepreneur individuel est redevable envers l’administration fiscale ou les organismes de recouvrement des cotisations et contributions sociales (ex : les URSSAF) sont nées à l’occasion de son activité professionnelle.

Pour ces organismes, la loi a spécifiquement édicté que le gage de ces créanciers pourra être étendu aux deux patrimoines en cas de manœuvres frauduleuses ou d’inobservations graves et répétées de l’entrepreneur individuel face à ses obligations fiscales, ou dans le cas du recouvrement de ses cotisations ou contributions sociales notamment.

4.  L’entrepreneur individuel peut renoncer à la séparation des patrimoines

Sur demande écrite d’un créancier dont la créance est née de l’activité professionnelle, l’entrepreneur individuel pourra renoncer à la séparation des patrimoines en faveur de ce dernier. Toutefois, cette renonciation doit satisfaire à plusieurs conditions :

  • Elle ne pourra porter que sur un engagement spécifique mentionnant le montant et le terme.
  • Le montant de cet engagement doit être déterminé ou déterminable.
  • Elle devra obéir à des conditions de forme (prescrites dans un décret à paraître).
  • Être mise en œuvre après l’observation d’un délai de réflexion de 3 à 7 jours francs

5.  Entrée en vigueur le 15 mai 2022

Ce nouveau statut entre en vigueur dans un délai de 3 mois à compter de la promulgation de la loi du 14 février 2022, soit à compter du 15 mai 2022.

Précision d’importance : pour les entreprises créées avant le 15 mai 2022, les dispositions légales régissant ce nouveau statut ne s’appliqueront qu’aux créances nées après leur entrée en vigueur, c’est-à-dire aux créances nées après le 15 mai 2022.

Une protection qui a ses limites

Ces nouvelles dispositions légales traduisent un réel renforcement de la protection du patrimoine de l’entrepreneur individuel.

Il faut toutefois souligner que cette protection trouve très souvent ses limites dès lors que l’entrepreneur individuel doit avoir recours à des financements externes. En effet, il est à craindre que les banquiers continuent d’exiger pour la protection de leurs intérêts, une renonciation à la séparation des patrimoines de l’entrepreneur individuel, ou bien exigent de leur fournir la caution d’un tiers ou de son conjoint, lesquels s’engageraient alors sur la totalité de leur propre patrimoine.