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LA GARANTIE SOLIDAIRE DU CÉDANT DU DROIT AU BAIL À L’ÉGARD DU BAILLEUR

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Qu’est-ce que la « garantie solidaire » du cédant à l’égard du bailleur ?

La plupart des baux commerciaux comportent une clause dite de « garantie solidaire ». Elle stipule que le locataire sortant (celui qui cède son droit au bail ou son fonds de commerce) s’engage à répondre solidairement du cessionnaire pour le paiement des loyers et de l’exécution des clauses du bail, c’est-à-dire à payer les loyers et exécuter les autres clauses du bail cédé aux lieu et place du nouveau locataire (cessionnaire) si celui-ci est défaillant.

Quel est le fondement d’une clause si particulière ?

Cette clause de garantie solidaire se justifie par le fait que le bailleur, qui avait pu choisir le locataire initial et donc s’assurer de sa solvabilité, ne peut faire de même avec le cessionnaire, qui lui est généralement imposé. En effet, en cas notamment de vente du fonds de commerce, le bailleur ne peut s’opposer à la cession du bail et se voit imposer un nouveau locataire. En contrepartie, le législateur a souhaité apporter une garantie au bailleur quant aux éventuelles dettes locatives, en lui permettant d’en demander le règlement à son ancien locataire qu’il avait choisi.

Quelle en est la durée ?

Avant l’entrée en vigueur de la loi Pinel du 18 juin 2014, cette clause avait vocation à s’appliquer pendant toute la durée du bail, y compris pendant la période de tacite prolongation du bail, et ce jusqu’à la délivrance d’un congé par le bailleur, la demande de renouvellement du preneur ou la résiliation du bail (amiable ou judiciaire).

Depuis l’entrée en vigueur de la loi Pinel du 18 juin 2014 et pour tous les baux conclus ou renouvelés postérieurement à son entrée en vigueur, si le bail comprend une clause de garantie du cédant au profit du bailleur, celui-ci ne pourra l’invoquer que pendant une durée de trois ans à compter de la date de la cession du bail (article L. 145-1-2 du Code de commerce).

Un arrêt de la Cour de cassation du 11 avril 2019 (cass.civile 3e – n° 18-1-121) a précisé que cette disposition était d’ordre public (c’est-à dire que l’on ne peut pas y déroger par une clause contraire dans le bail).

À quelle condition cette garantie peut-elle jouer ?

L’article L.145-16-1 du Code de commerce édicte qu’en cas de cession du bail qui contient une clause de garantie solidaire du cédant à l’égard du bailleur, ce dernier doit informer le cédant de tout défaut de paiement du locataire dans le délai d’un mois à compter de la date à laquelle la somme aurait dû être acquittée par celui-ci.

À noter que la loi ne prévoit aucune sanction spécifique en cas de manquement du bailleur à cette obligation d’information ; c’est donc sur le terrain de la responsabilité contractuelle (attitude fautive du bailleur) que le preneur devra se placer pour tenter de se soustraire à son engagement de garantie.

Quelle est l’étendue de cette garantie solidaire ?

Cette garantie étant interprétée de manière restrictive par les tribunaux, elle doit être très précise dans sa rédaction ; si elle est limitée au paiement des loyers, le cédant ne peut être appelé en garantie de l’exécution des autres clauses du bail (paiement de réparations locatives par exemple) et, sauf mention contraire, la clause de garantie ne vise que les loyers, et non l’indemnité d’occupation (somme qui se substitue au loyer lorsque le locataire se maintient dans les lieux loués après la résiliation du bail).

En pratique, il est impératif que le bailleur soit vigilant et réactif dès le premier impayé car la garantie ne pourra pas jouer s’il est rapporté la preuve qu’il n’a pas tout mis en œuvre pour recouvrer ses loyers, par exemple en laissant s’accumuler la dette sans agir et sans prévenir le cédant.

Le garant (ancien locataire) pourra alors arguer de l’attitude fautive du bailleur pour tenter de faire tomber cette garantie ou à tout le moins obtenir en réparation de cette faute des dommages-intérêts qui viendront compenser, à due concurrence, le montant des impayés dont il est redevable au titre de son engagement de garantie.

 

Comment y échapper ou s’en prémunir ?

En pratique, il est judicieux, lors de la cession du droit au bail ou du fonds de commerce, que le cédant prenne une garantie personnelle du chef d’entreprise ou du gérant de la société cessionnaire (une caution personnelle, par exemple, en s’assurant au préalable de sa solvabilité), afin d’avoir un recours contre lui pour le remboursement des sommes qu’il aura dû payer au bailleur en exécution de son engagement de garantie.

Il est également recommandé, lors de la cession d’un droit au bail ou d’un fonds de commerce intervenant au cours de la dernière période triennale, plutôt que de solliciter le renouvellement du bail avant la cession (ce qui aurait pour effet de maintenir la garantie solidaire du cédant au profit du bailleur) de prévoir, au stade de la promesse de cession du droit au bail ou du fonds de commerce, une condition suspensive de l’accord du bailleur pour consentir au cessionnaire un nouveau bail commercial 3/6/9 années à compter de son acquisition, ce qui a pour effet de libérer à l’avenir le cédant de toute garantie à l’égard du bailleur.

Il est capital d’apporter une attention particulière sur cette clause de garantie solidaire tant au niveau de la conclusion du bail qu’au niveau de sa transmission et de se faire assister par des professionnels du droit spécialisés en cette matière.

La CFBCT se tient à votre disposition pour toute information complémentaire au 01 40 53 47 50 ou par mail à juridique@boucherie-france.org.